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La Maison de la Sagesse de Bagdad

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Les califes abbassides de Bagdad développèrent une attitude libérale à l'égard des sciences et de la philosophie. Ils mirent en place la "Maison de la Sagesse", un centre d'érudition. Cette culture était à base scientifique mais, déjà, l'école de pensée hanbalite affirmait que seule la science du Coran et de la Sunna étaient autorisées. Du fait des ambassades échangées entre les Carolingiens et les Abassides ou du fait que Bagdad était une étape des Rhadanites, ces marchands du grand commerce, il est probable que les connaissances aient circulé du Califat arabe jusque dans l'Empire carolingien. Le Califat arabe s'affirmait comme un successeur plus légitime au vieil Empire romain que l'Empire byzantin

Une figure emblématique de l'Islam libéral

La grande querelle du libre arbitre, qui commença sous les Omeyades, vint des convertis chrétiens qui aidèrent à développer la théologie musulmane. La Maison de la Sagesse ("Beït al Hikma", en arabe) est un centre d'érudition situé à Bagdad aux temps de l'empire abbasside. A l'époque où Charlemagne lançait la renaissance carolingienne, le calife Haroun al-Rachid et son fils al-Mamun (813-833) créèrent cette institution, une bibliothèque et centre d'érudits. Les califes abbassides étaient largement influencé par la culture persane et ils avaient repris de nombreuses pratiques des Sassanides, la dernière dynastie non-islamique de Perse; entre autres, de traduire des ouvrages en langue étrangère. L’Iran sassanide était en contact étroit avec la Chine et a donc passé une partie de cet héritage aux Arabes. L'Empire Sassanide, dans l'Antiquité tardive, est considérée comme l'apogée de la civilisation iranienne et il influença considérablement la culture romaine à l'époque et son influence atteint aussi l'Afrique, l'Inde et la Chine. Une grande partie de la culture islamique y trouva aussi ses racines. Quand, en 529, l'empereur byzantin Justinien avait fait fermer les écoles philosophiques d'Athènes, les érudits néo-platoniciens se réfugièrent chez les Sassanides où, dans la ville de Gundishapur, ils fondèrent une académie qui développa intensivement l'astronomie, la médecine, la philosophie et les autres sciences, y attirant encore d'autres érudits. Le monde arabe hérita de tout cela et le calife Al-Mansur, ainsi, fonda une bibliothèque du palais à l'imitation de la Bibliothèque Impériale sassanide. La Maison de la Sagesse, au départ, eut pour but de traduire et conserver les ouvrages en langue persane, effort qui s'étendit à des oeuvres en syriaque, en grec et en sanskrit. D'autres grandes bibliothèques furent construites dans l'empire abbasside et les califes accueillirent des érudits byzantins persécutés dans leur pays. Sous al-Mamun, les plus connus des lettrés et des savants, de par le monde d'alors, échangèrent leurs idées et leurs données dans la Maison de la Sagesse. Celle-ci exista jusqu'au XIIIème siècle et fut le lieu où exercèrent, en termes de recherche et d'éducation, les plus grands érudits arabes. C'est à l'époque abbasside que l'on voit apparaître les premiers manuscrits scientifiques. On construisit aussi des observatoires astronomiques. La Maison de la Sagesse devint le centre incontesté des études humanistes et scientifiques du monde islamique. Pour ce qui est des sciences, on y pratiquait les mathématiques, l'astronomie, la médecine, l'alchimie ou la chimie, la zoologie et la géographie. Les érudits arabes se servaient des travaux d'auteurs perses, indiens et grecs: Sushruta, Charaka, Aryabhata, Brahmagupta; Pythagore, Platon, Aristote, Hippocrate, Euclide, Plotin, Galien. Les Arabes appelaient la phisolophie grecque et hellénistique la "philosophie des anciens". Cela leur fournissait ainsi une vaste base de données, à caractère mondialisé, sur lesquelles, de plus, ils menèrent leurs propres travaux. Bagdad, à l'époque, était devenue la ville la plus prospère et la plus intellectuelle du monde; des marchands et des savants y venaient de l'Inde ou de la Chine. La Maison de la Sagesse bénéficia aussi de l'utilisation, nouvelle, du papier qui remplaça avantageusement le papyrus, trop fragile ou le parchemin, qui était cher; l'invention avait été prise à des prisonniers chinois faits à la bataille de Talas, en Asie Centrale en 751, qui avait marqué la délimitation des zones d'influence arabe et chinoise; elle permit les innombrables livres qui furent publiés à la Maison de la Sagesse. Un grand volume d'information, à l'époque -philosophie, mathématiques, sciences, médecine- était disponible en grec mais n'était donc accessible qu'à la petite minorité de savants arabes qui maîtrisaient le grec. Un peu après, le cosmopolitisme du monde arabe et les origines et religions diverses des savants (dont, aussi, des Sabéens, des zoroastriens, par exemple) firent que, dès l'époque carolingienne, l'arabe devint la langue scientifique (l'équivalent de ce qu'est l'anglais de nos jours); les Arabes, ainsi, inventèrent aussi le premier concept de communauté scientifique "internationale": on ne se préoccupait pas de l'origine d'un savant, on se contentait d'apprécier, ou de critiquer, ses oeuvres

L'autre aspect principal de ce mouvement intellectuel arabe sous les Abassides, jusqu'en 847, est qu'il représente l'une des attitudes les plus libérales de l'Islam, en termes intellectuels, au long de son histoire. Le calife al-Mamun, en effet, était partisan du motazilisme, une école philosophique particulière. Celle-ci était devenue la théologie officielle des Abbassides depuis 827, sous le calife Al-Mamoun et elle eut ses écoles à Bagdad et Bassora. Le motazilisme était née à Bassorah, dans le Sud de l'Irak, au VIIIème siècle. Le monde islamique, entre autres, pour l'interprétation des passages obscurs du Coran, utilisait une méthode intellectuelle officielle, dite de l'"idjtihad". L'exégèse du Coran devint une sorte de philosophie religieuse, le "kâlam". La recherche sur des contradictions du texte coranique finit par faire considérer les motazilites comme des hérétiques. A la fois ils renforcèrent l'unicité du Dieu arabe (en lui refusant tout attribut) et ils affirmèrent le libre-arbitre de l'homme (comme moyen de concilier l'idée de prédestination et celle de punitions et de réécompenses futures). Pour bâtir leurs raisonnements, ils utilisèrent la philosophie des Grecs d'Alexandrie en donnant au texte un sens allégorique. Les points de vue du motazilisme provoquèrent en retour des réactions chez les musulmans orthodoxes. L'école anthropomorphique, par exemple, prit le Coran à la lettre, et déduisait de certains passages l'aspect physique d'Allah. Le motazilisme ira très loin, jusqu'à l'incrédulité: Abou-l-Ala, un poète du début du Xème siècle, affirmera que Musulmans, Juifs, Chrétiens et mages sont dans l'erreur car il n’y a plus que deux espèces d’hommes, les uns intelligents mais incrédules, les autres croyants mais manquant d'intelligence. Le calife al-Mutawakil, après 847, commença à freiner ces efforts, lui suivant l'Islam orthodoxe. Les motazilistes atteignirent leur apogée au XIIème siècle mais ils finirent par cèder la place aux orthodoxes, plus rigoureux. L'effort de l'idjtihad fut également stoppé par les invasions mongoles et par les Croisades. On dit qu'au cours de la prise de Bagdad par les Mongols, en 1258, le Tigre charria pendant six mois l'encre des livres jetés à l'eau. La Maison de la Sagesse fut également brûlée. Le premier déclin de la Maison de la Sagesse, sous le calife al-Mutawakkil est sans doute due à l'orthodoxie militante de celui-ci et aux violentes persécutions qu'il déclencha aussi bien contre les Musulmans non-orthodoxes que contre les penseurs non-musulmans; des rivalités de couloir, dans la Maison de la Sagesse elle-même, y ont peut-être contribué aussi

Enfin, comme, pour les chiites, le caractère divin du Coran fait que le texte est infini et a donc une infinité de sens et d'interprétation la conséquence en est que cette tendance de l'Islam est plus encline à se préoccuper de science et de recherches sur le monde, tendance qu'on ne retrouve pas dans l'Islam orthodoxe sunnite pour qui le Coran ne doit être compris qu'en arabe et est, pour l'essentiel, clos. Cela explique sans doute que la Maison de la Sagesse ait fleuri chez ces premiers califes abassides, dans une Bagdad où règnait la forte influence de l'Iran

Plus en détail

La Maison de la Sagesse est à l'origine de concepts originaux. On y connaissait -ainsi que dans les autres bibliothèques du monde arabe au Moyen Age- le fichier de bibliothèque: les livres étaient classés par matières et catégories. De nombreux ateliers d'artisans accompagnaient les activités de la bibliothèque abbasside et la plupart, de plus, servaient également de librairies. La plus grande, la librairie al-Nakim, vendait des milliers d'ouvrages chaque jour. C'est surtout sous le calife al-Ma'mun que la Maison de la Sagesse tourna son activité vers les mathématiques et l'astrologie et que son intérêt passa des traductions du persan à celles du grec. Bien que les universités -en tant que cadre institutionnalisé pour l'enseignement- n'existaient pas encore, certaines institutions, dites "maktabs" commencèrent à se développer à Bagdad dès le IXème siècle et la première vraie université fut fondée au XIème siècle, la al-Nizamiyya qui était la plus grande de l'époque

Au temps des Abbassides, la Maison de la Sagesse était placée sous la direction du poète et astrologue Sahl ibn Haroun (mort en 830) et c'était un érudit chrétien nestorien Hunain ibn Ishaq (809-973) qui avait en charge les travaux de traduction. La priorité aux traductions déclina mais la Maison de la Sagesse continua d'être florissante sous les successeurs d'al-Mamoun, jusqu'en 847. Les traductions de l'époque abbasside furent supérieures à celles des époques précédentes. Pendant les VIIIème et IXème siècles, Bagdad fut, sans rivaux, le seul centre de culture et de science du monde arabe -entendu de l'Espagne et du Maroc à l'Asie Centrale. Cependant, au cours du Xème siècle, cette suprématie commença de faiblir, probablement en liaison avec le déclin des Abbassides. D'autres centres de culture étaient alors apparus dans la même zone: Cordoue, Kairouan, Le Caire, Alep et Damas, Mossoul et Al-Raqqa, Rayy et Chiraz, ou Khwaazm et Boukhara. Le monde arabe, en termes de culture, était devenu pluri-centré, les deux aires les plus représentatives étant l'Espagne musulmane et l'Afrique du Nord, d'une part, et le Moyen-Orient. A Boukhara, sous les Samanides, Al-Kharezmi (787-850) fut un mathématicien notable. Ibn Sina (980-1037), le fondateur de la médecine occidentale dont l'influence se maintint jusqu'au XVIIème siècle, ou Al Biruni (973-1046), astronome qui estima la distance Terre-Lune et qui affirma que la Terre tournait sur elle-même et autour du Soleil, furent également des gloires de la ville. Malgré les ambassades échangées entre l'Empire carolingien et le califat arabe, on sait mal quelle influence ces travaux purent avoir en Occident. Il semble à peu près certain, cependant, que certaines connaissances astronomiques arabes ont pu atteindre Aix-la-Chapelle. On notera, sur ce point, que d'après le "Livre des étoiles fixes" de l'astronome Al-Sufi (ou Azophi), les constellations, dans le monde arabe, au Xème siècle, avaient quitté leurs formes grecques pour revêtir celles de la culture des tribus des caravanes

Les érudits de la Maison de la Sagesse

Suivent quelques notices concernant les érudits arabes liés à la Maison de la Sagesse à l'époque abbasside

Une raison à l'abandon de l'ijtihad?

Pour les premiers juristes et les premiers interprétateurs de la tradition, les situations concrètes ont joué un rôle. Malgré une tendance évidente à l'artifice et à une intelligence apte à se mouvoir dans un formalisme -sans toutefois être bien apte à réfléchir sur un point précis, ils prirent en compte les transformations qu'avait induites la conquête, qui avait fait passé l'orbe des Musulmans de l'Arabie à un monde plus vaste. Un tel dynamisme permettait, et permit, adaptation et assimilation. Par ailleurs, ces érudits, dans leurs écrits -par instinct de protection? Par coutume profondément ancrée?- ont évité d'énoncer les références au réel par lesquelles ils prônaient ces évolutions: ils évoquent des traditions ou se rapportent aux versets du Coran. La conséquence -importante- en a été que leurs sucesseurs, lorsqu'ils utilisèrent leurs oeuvres, ne virent que ce rattachement à la tradition et pas l'esprit innovateur. Aussi, se contenter de commenter leurs maîtres à leur tour leur sembla-t'il justifié et ils ne poursuivirent ni ne développèrent les méthodes permettant l'évolution de la tradition. On a sans doute là l'origine de la fermeture si aisée de l'ijthidad sans protestations ni incartades. Les successeurs étaient tombés dans l'abandon de toute initiative

Website Manager: G. Guichard, site Learning and Knowledge In the Carolingian Times / Erudition et savoir à l'époque carolingienne, http://schoolsempir.6te.net. Page Editor: G. Guichard. last edited: 6/30/2016. contact us at geguicha@outlook.com
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